Une antiphrase est une figure de style d’opposition qui vise à exprimer le contraire de ce que l’on pense.
Antiphrase def
J’avais déjà entendu parler du dry january : un mois sans alcool, sans tabac, sans gras, sans excès d’aucune sorte pour officiellement régénérer son métabolisme, ou plus exactement se racheter une conscience, après les fêtes de fin d’année.
Une idée formidable. Plus de vin, plus de fromage, plus de café-clope. Une véritable partie de plaisir. Un long, très long fleuve tranquille.
Explication :
Toutes les phrases nominales, c’est-à-dire sans verbe, du paragraphe ci-dessus sont des antiphrases. Elles expriment toutes le contraire de ce que ressent le narrateur.
L’ironie est perceptible, notamment dans l’usage de l’adverbe très et la répétition de l’adjectif long, mais le véritable sens des propos n’est jamais explicite.
Régulièrement confondue avec la litote, l’antithèse ou l’euphémisme, elle s’en distingue pourtant par l’absence d’une réelle volonté d’amplifier, de nier ou d’atténuer les propos énoncés.
Avec l’ironie pour seul artifice, l’antiphrase est l’art de ne jamais expliciter l’implicite…
Plan de l’article :
Antiphrase : définition
L’antiphrase est un procédé stylistique et rhétorique qui a recours à l’ironie pour véhiculer un message contraire aux propos énoncés.
Qu’est-ce qu’une antiphrase ?
L’antiphrase repose essentiellement sur le sens sous-entendu d’un énoncé, quitte à laisser planer le doute sur sa véritable interprétation.
Lorsqu’elle est utilisée comme procédé stylistique, seul le contexte permet de déceler l’ironie de l’énoncé et, de fait, d’identifier et d’interpréter l’antiphrase. Elle s’articule alors comme un contraste implicite, une sorte de clair-obscur textuel.
Antiphrase exemple
[…] « si le sort avait voulu pourtant, je serais autre, mon mari serait beau, grand, joli cavalier, aux sourcils noirs et aux dents blanches, à la bouche fraîche ; pourquoi donc n’ai-je pas eu ce bonheur ? », et l’on rêve longtemps, on s’ennuie, le mari revient, il sent le vin, l’ivrogne ! Quel homme !
Gustave Flaubert, Smarh, 1839
Explication :
La dernière phrase du paragraphe est une antiphrase. Toute l’ironie de la figure de style repose sur la fausse admiration contenue dans la phrase exclamative.
Le contexte narratif nous permet d’interpréter correctement l’antiphrase qui contraste avec le portrait du mari idéal brossé en amont.
En tant que procédé rhétorique, l’antiphrase s’aide du ton sur lequel les propos sont prononcés. Ce contraste, habituellement implicite entre ce qui est dit et ce qui est tu, est mis en évidence par le locuteur lui-même, de sa gestuelle à sa manière de s’exprimer.
Ainsi, le théâtre, et notamment les dialogues, est le genre narratif idéal pour expliciter artificiellement l’antiphrase par une ironie situationnelle, quasi physique, en plus de celle véhiculée par les propos du personnage.
Exemple antiphrase
ARNOLPHE N’est-ce rien que les soins d’élever votre enfance ?
AGNÈS Vous avez là-dedans bien opéré vraiment, Et m’avez fait en tout instruire joliment ! Croit-on que je me flatte, et qu’enfin, dans ma tête, Je ne juge pas bien que je suis une bête ? Moi-même j’en ai honte ; et, dans l’âge où je suis, Je ne veux plus passer pour sotte, si je puis.
Molière, L’École des femmes, Acte V, Scène 4
Explication :
Dans cette comédie, Arnolphe souhaite épouser sa pupille, Agnès, une jeune fille naïve, dont il a assuré l’éducation. Au début de sa réplique, Agnès semble remercier son tuteur pour l’enseignement reçu.
Mais la suite de la réplique dévoile clairement la honte qu’elle ressent à se savoir crédule et ingénue, voire bête, selon son propre aveu.
Sa gratitude se teinte alors d’ironie, laquelle est exacerbée par le comique de situation : Agnès est extrêmement lucide quant à sa condition de femme soumise au tutorat patriarcal.
C’est évidemment le contexte global de l’œuvre qui permet de qualifier d’antiphrases les propos d’Agnès.
Procédé stylistique et rhétorique, l’antiphrase n’est efficace que si le lecteur ou l’interlocuteur en comprend le sens véritable. Contrairement aux autres figures de style, elle reste l’une des moins évidentes à interpréter, car seule l’ironie la caractérise.
Qu’est-ce que n’est pas une antiphrase ?
Nombreuses sont les figures de style qui utilisent l’ironie. Forme d’humour ou de moquerie, l’ironie est un procédé rhétorique dans lequel se manifeste toute l’aptitude du locuteur à être subtil, piquant et spirituel, au sens de vif d’esprit.
Toutefois, si l’ironie est le dénominateur commun de plusieurs procédés stylistiques et rhétoriques, seule l’antiphrase ne fait appel à aucun autre artifice pour transmettre le véritable sens des propos.
Antiphrase figure de style exemple
Les réseaux sociaux sont une chance incroyable : plus besoin de savoir quoi faire ou quoi dire, qui aimer ou détester, même plus besoin de savoir pour qui voter. Les algorithmes le font à notre place… nous vivons vraiment une époque formidable ! Et si vous ne trouvez pas que confier sa vie à une machine est un gage de progrès, je ne sais plus quoi vous dire.
En raison de sa proximité graphique, l’antithèse est la figure de style la plus souvent confondue avec l’antiphrase. Si elles sont toutes deux des figures d’opposition, leur ressemble s’arrête là.
Le rôle de l’antithèse est de confronter, dans un même énoncé, deux mots, expressions ou idées contraires, pour les intensifier. L’antithèse s’oppose elle-même à l’oxymore, dont l’opposition est restreinte à deux mots.
Antiphrase ou antithèse ?
- Sans peur et sans reproche, elle n’était pas pour autant sans foi ni loi.
- Sans végétation, la terre est devenue un enfer.
- Le soleil couchant lézardait le sol d’ombres naissantes.
La litote, figure d’atténuation, utilise une double négation qui permet de nier le contraire de l’idée exprimée. Selon une structure bien définie, la litote est à la fois syntaxique, grâce à l’adverbe de négation, et sémantique, grâce au sens de l’adjectif.
Contrairement à l’antiphrase, la litote n’a pas forcément recours à l’ironie. Elle n’est pas un trait d’esprit, voué à être drôle ou provocant ; elle transmet simplement des propos positifs ou négatifs, mais toujours atténués.
La litote partage avec l’antiphrase une certaine dissimulation du sens du message. Sa dimension implicite est bien moindre : la litote étant plus facile à identifier, l’intention de l’auteur est évidente.
Antiphrase ou litote ?
- Cet acteur n’est plus tout jeune.
- Cette recette n’était pas fameuse.
- Son cadeau n’était pas donné.
Autre figure d’atténuation, l’euphémisme transforme volontairement des propos pour les rendre moins choquants. Absente du procédé, l’ironie ne correspond pas à l’intention bienveillante de l’euphémisme.
Tout comme la litote, l’euphémisme dissimule faiblement le véritable sens du message ; cette atténuation est toujours effectuée dans l’intérêt de l’interlocuteur.
Antiphrase ou euphémisme ?
- Les pays émergents accèdent à un capital financier de plus en plus important.
- Il nous a quittés pour de meilleures contrées et je sais qu’il y repose en paix.
- Elle a été transportée dans une résidence pour aînés.
Le saviez-vous ?
Voltaire, génial philosophe et maître du pamphlet, avait flairé, bien avant d’autres, l’intérêt politique de l’antiphrase pour éviter la censure. En 1766, il publie un court texte satirique sous le titre évocateur : De l’horrible danger de la lecture. Il y critique ouvertement les représentants religieux de l’époque sous le pseudonyme de Joussouf Chéribi, un certain résident du palais de la Stupidité…
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