La syllepse, qu’est-ce que c’est ?
Définition de la « syllepse » :
Figure de style consistant à employer un mot au sens propre et au sens figuré : elle met ainsi en relief la polysémie d’un mot, c’est-à-dire sa capacité à avoir plusieurs sens cohabitant l’un avec l’autre en fonction du contexte.
Exemple :
- Brûlé de plus de feux que je n’en allumai.
La « syllepse », une figure de style ambivalente
Issue du grec « σύλληψις » (« súllēpsis »), signifiant « prendre ensemble », la syllepse est un procédé littéraire consistant à jouer sur le sens d’un mot, c’est-à-dire sa polysémie.
Également nommée double sens, elle fait partie des figures de style ou, plus précisément, des tropes mixtes, comme nous le précise le grammairien Pierre Fontanier.
La syllepse peut être considérée tout à la fois comme une figure de style ou comme une erreur de langage en raison de son emploi grammatical fautif.
Remarque :
L’adjectif sylleptique est utilisé pour désigner « ce qui relève d’une syllepse ».
Exemples et différents types de syllepses
Il existe plusieurs types de syllepses, dont la syllepse grammaticale et la syllepse stylistique.
1. La syllepse grammaticale
La syllepse grammaticale est régie par l’accord logique ou sémantique, et non par l’accord grammatical en genre et en nombre.
« Les Contemplations » est un recueil de poésie de Victor Hugo.
Elle va donc à l’encontre des règles grammaticales et constitue un emploi fautif lorsqu’elle n’est pas utilisée de manière audacieuse sous la forme d’une figure de style.
Phrase | Syllepse |
Une espèce d’idiot | Un espèce d’idiot |
La majorité des personnes s’est prononcée pour le maintien du cours. | La majorité des personnes se sont prononcées pour le maintien du cours. |
Parfois, la logique prime sur l’accord grammatical, pour une bonne compréhension de la phrase : c’est le cas, par exemple, avec le pronom on qui, lorsqu’on l’utilise avec plusieurs personnes, peut être remplacé par la première personne du pluriel (nous) et, de ce fait, être suivi d’un accord en genre et en nombre.
Masculin singulier et pluriel | On était tellement contents ! ou On était tellement content ! |
Féminin pluriel | On était tellement contentes !
Sylvie et moi, on est allées voir la dernière exposition sur Manet et Degas. |
2. La syllepse stylistique
Cette forme de syllepse consiste à jouer sur le sens propre et figuré du mot lui-même.
Les rapprochements que l’on peut faire entre l’un ou l’autre des sens viennent dynamiser le texte et lui confèrent un haut degré d’interprétation (ou de réinterprétation) et donc une plus grande dimension poétique.
C’est la raison pour laquelle on la retrouve parfois sous le nom de syllepse de sens ou syllepse oratoire.
Les miroirs feraient bien de réfléchir avant de nous renvoyer notre image.
(Jean Cocteau, « Essai de critique indirecte »)
Ici, la mer est bleue et les nuits sont blanches.
(Publicité du Club Med)
Il est également fréquent que le terme rencontré renferme plus de deux sens ou signifiés possibles, permettant une plus grande liberté d’interprétation.
Pourquoi avoir recours à la « syllepse » ?
1. Jouer sur les mots
En raison des différentes significations qu’un mot peut cacher et en jouant sur leur sens propre ou leur sens figuré, cette figure de style permet un véritable exercice de lecture grâce aux jeux de mots ludiques qu’elle propose.
La syllepse peut également être idéale pour apporter de la dérision à un dialogue, prêter à confusion et inviter le lecteur à mettre en œuvre toute son imagination pour percer la véritable signification d’un mot.
En ce sens, elle permet de briser la monotonie ou la linéarité d’un texte en lui apportant un rebond ou une nouvelle dynamique. C’est la raison pour laquelle on la retrouve aussi beaucoup dans le milieu de la publicité, de la comédie et des sketchs.
Ce n’est pas que je prenne mon chien pour plus bête qu’il n’est.
(Raymond Devos, « Mon chien c’est quelqu’un »)
Vos enfants méritent une bonne tarte. Vous aussi. Bref, mangez des pommes.
(Publicité pour un producteur de pommes)
En Norvège, plus il fait froid, plus on se frotte les mains.
(Publicité Neutrogena)
On part avec un sac sous le bras, on revient avec des valises sous les yeux.
(Publicité Club Med)
2. Mettre en valeur un élément
Enfin, par le cumul et l’accentuation des différents sens que peut avoir un mot, la figure sylleptique peut être utilisée pour mettre en valeur le terme lui-même.
Au sein de la phrase, ce procédé de rhétorique va permettre de mettre en relief ses nombreuses assignations et, ainsi, de mettre le texte en perspective avec beaucoup de finesse.
Du fait de sa valeur discursive, c’est-à-dire reposant sur le raisonnement, cette figure de sens implique aussi le lecteur de manière directe dans le texte en l’incitant à la réflexion.
Brûlé de plus de feux que je n’en allumai.
(Jean Racine, « Andromaque »)
« Syllepse » ou « zeugme » ?
Les deux figures de style sont fréquemment confondues en raison des apparentes associations de mots auxquelles les deux figures de style ont recours.
Le zeugme, ou attelage, consiste cependant à associer deux mots différents au sein d’une même phrase, créant une rupture avec la grammaire ou la syntaxe.
Exemple :
Vêtu de probité candide et de lin blanc.
(Victor Hugo, « La Légende des siècles »)