« Loucedé » : définition et décryptage du langage argotique louchebem


Définition : que veut dire le mot « loucedé » ?

Loucedé est un mot bien français, malgré le fait qu’on ne le retrouve pas dans tous les dictionnaires. Formant la locution adverbiale en loucedé, il signifie « en douce », « en secret » ou encore « en cachette ». Ce terme est utilisé dans le langage argotique, un registre de langue familier.

Il est parti en loucedé.
Gilets jaunes : en 2018, quand la visite « en loucedé » de Macron au Puy-en-Velay a failli mal tourner
(« Sud-Ouest », article du 13 février 2022)
Le candidat a mangé en loucedé alors que c’était interdit sur l’île.

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Partir en « loucedé », c’est partir « en douce », « sans se faire remarquer ».

À noter que l’on retrouve d’autres graphies, en raison de la perméabilité de la langue argotique et de sa transformation au fil du temps :

  • En lousdée
  • En lousdé
  • En lous’dé
  • En lousdé
  • En louc’dé
  • En louzdé
« En loucedé comme Gallas » : késaco ?

On retrouve parfois à l’écrit une variante de l’expression : en loucedé comme Gallas.

Apparue dans le milieu des années 2010, elle fait référence au footballeur international français William Gallas qui, sur une photo officielle, apparaît assis de manière faussement décontractée alors qu’il s’appuie sur un coéquipier présent à ses côtés.

  • Marcus Thuram célèbre son premier but en Ligue 1 « en loucedé comme Gallas »
    (« L’Équipe », article du 10 septembre 2017)

« En loucedé » est une expression argotique informelle : elle doit donc être évitée dans vos communications professionnelles.

« Loucedé », « louchebem » : origine et différence entre les deux mots

1. Origine du « louchebem »

On distingue en français plusieurs niveaux de langage, y compris dans la langue familière ou informelle.

Si l’on connaît plus souvent l’argot, on ignore souvent qu’il peut comporter, lui aussi, plusieurs niveaux de langue dont l’un d’entre eux est l’argot louchebem (également orthographié louchébem, loucherbem, louchébème ou luchebem).

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Cette langue peu courante provient d’une altération du largonji des louchébems ou largonji des bouchers (c’est-à-dire un jargon nommé l’argot des bouchers). Ce type d’argot est apparu en France au XIXᵉ siècle et était majoritairement employé par les bouchers parisiens dans les abattoirs des Halles de la Villette.

Objectif : user d’un langage codé au sein d’un corps de métier afin que les clients ne comprennent pas ce qui était dit. Pratique lorsque l’on avait affaire à un client un peu casse-pieds et que l’on souhaitait parler en cachette à son collègue !

En loucedé, donc.

Ainsi, dans son ouvrage Larlépem-vous louchébem ?, David Alliot, fils de boucher, précise que « le louchébem avait pour fonction principale de communiquer entre professionnels du métier, mais aussi d’exclure l’autre, en l’occurrence le client, ou tout corps étranger à la profession. La pratique du louchébem permettait au patron boucher de donner des instructions en boutique sans que le client comprenne de quoi il en retourne. »

Enfin, « curiosité linguistique, le louchébem s’est aussi adapté aux réalités locales. Ainsi des termes de viande, propres à certaines régions, comme la Normandie ou les Charentes, étaient inconnus en Lorraine ou dans le Midi. Et inversement. La simplicité de sa construction linguistique permet au louchébem toutes les adaptations locales. »

De facto, on peut attribuer à ce mode de communication ludique une valeur profondément identitaire, l’usage d’un langage spécifique contribuant à nourrir un sentiment d’appartenance et d’exclusivité tout en exprimant sa différence.

Remarque :

En raison de son caractère secret, le louchébem était la langue prisée des malfaiteurs et des brigands pour communiquer en secret, à l’insu des surveillants de prison. L’intégration de personnes extérieures à la boucherie (et donc de certains malfaiteurs, à cause du manque de main-d’œuvre) aurait contribué à importer et à propager la diffusion de ce langage codé à cette corporation.

Aujourd’hui, même s’il est encore parlé par quelques rares bouchers parisiens, ce type d’argot a quasiment disparu : principalement parlé, ce type de langage tend à se perdre du fait de l’absence de trace écrite.

Présentation de l’argot du boucher

2. Formation du « louchébem » : exemple avec « en loucedé »

La formation des termes en louchébem, dont en loucedé fait partie, suit un schéma relativement simple à appliquer, mais aléatoire. Dans Larlépem-vous louchébem ?, le spécialiste du jargon David Alliot indique d’ailleurs qu’« il n’y a pas de véritable règle pour la construction des mots et le choix des suffixes. Seule compte la fluidité du langage. »

Alors, comment procéder pour comprendre le louchébem et la construction de l’expression en loucedé ?

Comme l’indique le lexicographe Gaston Esnault, « cette déformation des mots substitue “L” à la consonne initiale de la première syllabe, ou – si le mot commence par un “L” ou par une voyelle – de la syllabe suivante, et rétablit, en fin de mot, la consonne étymologique, avec un suffixe libre », comme on peut le voir de manière plus concrète dans le tableau suivant :

1. Sélectionner un mot (en) douce
2. Supprimer la première consonne « ouce »
3. Accoler cette première consonne à la fin du mot « ouced »
4. Ajouter la lettre « L » au début du mot « louced »
5. Ajouter une terminaison aléatoire (suffixe libre) comme « -é », « -em », « -oque », « -esse », « -uche », etc. « loucedé »
Le saviez-vous ?

L’argot dit largonji est également formé sur le même principe : le substantif jargon, dont la consonne « j » est placée à la fin du mot (« argonj »), l’ajout de la lettre « l » en début de mot et du suffixe aléatoire « i » : largonji.

Il en va de même pour le mot louchébem : boucher, transformé en « oucheb », puis « louchéb » et… « louchébem » !

On notera que certains mots en louchebem sont passés dans le langage courant, comme le terme familier loufoque (« fou »), remis au goût du jour par l’humoriste Pierre Dac, dont le père était lui-même… boucher !

Hier soir, nous avons assisté à un spectacle de rue vraiment loufoque.
Un vaudeville loufoque vient clore la quatrième édition du festival.
C’est une adaptation moderne et un brin loufoque des Fables de La Fontaine.
« Loufoque », synonyme de « fou », est un mot en « louchébem ».
Pour aller plus loin :

Comme nous le précise Muriel Gilbert (correctrice au journal Le Monde) dans son ouvrage Le meilleur des bonbons sur la langue, « la population du village de Pertuis-en-Luberon, dans le Vaucluse, et d’une poignée de bourgs des alentours, parle encore aujourd’hui, paraît-il, une variante du louchébem, appelée louchébum ».

« Loucedé », « largonji », « louchebem » : késaco ?

« Loucedé » peut-il être considéré comme une forme de « verlan » ?

Le verlan est un procédé argotique consistant à inverser les syllabes d’un mot par inversion, découpage ou troncation.

Malgré ses apparences, en loucedé n’est donc pas un mot en verlan, bien qu’il s’en rapproche, au même titre que le javanais.

Remarque :

Le mot verlan est lui-même un exemple parfait de transformation de la locution adverbiale à l’envers.

Mots Verlan
bizarre zarbi
bloqué kéblo
choper pécho
énervé vénère
futur turfu
louche chelou
lourd relou
tomber béton
toubab babtou

Le verlan a souvent recours à l’apocope ou l’aphérèse pour former de nouveaux mots :

Mot en verlan avec apocope : Zik pour zikmu (musique)
Mot en verlan avec aphérèse : Ricains pour Américains

On notera que ce type de langage informel, comme l’argot louchébem, est fortement popularisé par les jeunes générations ou par certains artistes (rappeurs ou chanteurs de rue), à l’image du chanteur Renaud qui utilise volontiers ce procédé linguistique unique pour donner vie à de véritables transformations lexicales.

Moi j’y ai dit : Laisse béton !
(Renaud, « Laisse béton »)
Chez les allumés d’une secte de barjots
(Renaud, « Fallait pas »)
Y manquerait plus qu’y s’fasse arrêter par les keufs
(Renaud, « Le retour de Gérard Lambert »)
Il avait un rencard à Paris avec une meuf
(Renaud, « Le retour de Gérard Lambert »)
Le mégot d’un tarpé
(Renaud, « La mère à Titi »)
Une petite main jaune au revers du zonblou
(Renaud, « Petite »)

Synonymes de « loucedé » : 9 mots à connaître pour vous améliorer à l’écrit

Loucedé étant un terme argotique, il est essentiel de recourir à d’autres termes plus formels afin que vos textes restent professionnels, clairs et qualitatifs.

Voici 9 alternatives à employer pour que vos écrits restent corrects et lisibles :

  • À la dérobée
  • Discrètement
  • En cachette
  • En catimini
  • En douce
  • En secret
  • En tapinois
  • Ni vu ni connu
  • Sans se faire remarquer

Exemples :

Les enfants ont mangé du chocolat en cachette.
Une fois son appel terminé, le président s’est éclipsé de l’Élysée en catimini.
Nous avons quitté la réunion en douce.
Rien ne permet d’accréditer la venue du chanteur en tapinois dans cet hôtel de renommée.
Ni vu ni connu, l’individu s’est introduit dans la maison et a dérobé de nombreux bijoux de grande valeur.
Reclus, il vivait sans se faire remarquer.
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