5 mots étonnants de la langue française
Certains mots de la langue française sont peu connus. En voici 5 à découvrir ou redécouvrir, accompagnés de quelques explications pour bien les employer.
Mignons, bizarres, étonnants : ces mots cachés de la langue française
La langue française est riche en mots et en expressions. Certains termes sont plus ou moins utilisés, apparaissent ou réapparaissent au gré des époques ou des tendances, et restent donc parfois difficiles à décrypter lorsque leur usage ne s’est pas imposé par la majorité.
Qu’ils soient créés de toutes pièces, qu’ils se fassent rares ou qu’ils soient tout simplement remis au goût du jour en fonction de l’actualité, ces mots sont bien souvent méconnus par une grande majorité des Français. Tour à tour poétiques, savants et mystérieux, ils n’ont décidément pas fini de nous livrer tous leurs secrets !
Nous en avons sélectionné cinq pour vous, à employer sans modération.
Pétrichor
Il fait chaud, la canicule sévit et voilà qu’une brusque averse vient rafraîchir les terres desséchées. Sans doute avez-vous alors déjà remarqué, au détour d’une balade, cette odeur douce et pénétrante, mélange de terre, d’humus ou de bitume, après la pluie. Une odeur caractéristique et facilement reconnaissable, que l’on se promène en ville ou en forêt.
Mais saviez-vous que ce phénomène possède un nom ?
Le pétrichor , car c’est bien là le nom qu’on lui attribue, désigne cette odeur agréable émanant du sol après la pluie.
En cause ? Un « liquide huileux produit par les plantes » !
Le contact des gouttes de ce liquide avec le sol et les bactéries présentes entraîne la production de cette odeur si caractéristique de terre humide, souvent agréable à respirer.
Emprunté de l’anglais « petrichor », cet anglicisme est, à l’origine, issu du grec « petros » (« pierre ») et « ichor » (« sang »), soit littéralement « sang de pierre ».
Ce terme a été inventé par les scientifiques australiens Isabel Joy Bear et Roderick G. Thomas qui ont étudié cet étrange phénomène en 1964 et ont tenté de comprendre pourquoi les averses étaient accompagnées de cette odeur éphémère particulièrement plaisante.
En 1891 déjà, le scientifique Thomas Lamb Phipson publiait un article dans la revue The Chemical News, indiquant que la présence de cette odeur était due « à la présence de substances organiques étroitement liées aux huiles essentielles des plantes ».
Psithurisme
Restons dans la nature, puisque notre mot suivant, le psithurisme , désigne un autre phénomène reposant, généralement bien agréable à l’oreille.
Issu du grec « ψιθυρισμα » (« psithúrisµa ») signifiant « chuchotement », le psithurisme désigne le bruissement des feuilles lorsqu’il y a du vent, semblable à un chuchotement.
Un terme très poétique, léger et aérien, qui avait presque disparu, mais que la langue française a de nouveau remis au goût du jour.
Pour notre plus grand plaisir.
Ultracrépidarianisme
Si anticonstitutionnellement fait toujours partie des mots les plus longs de la langue française, force est de croire que le terme ultracrépidarianisme n’est pas en reste et nous donne du fil à retordre.
Mais, alors, que se cache derrière ce terme si énigmatique ?
Ce mot désigne la tendance qu’ont certaines personnes à s’« exprimer sur des sujets qui leur sont méconnus, et donc hors de leur domaine de compétence ». Dérivé de l’anglais « ultracrepidarianism », il a fait sa première apparition au Royaume-Uni en 1819 avec l’essayiste William Hazlitt avant d’atteindre nos frontières en 2014.
Jusqu’alors peu usité, il s’est peu à peu développé au fil des ans, et plus particulièrement lors de l’épidémie mondiale de coronavirus en 2019, où il a été remis au goût du jour par le philosophe Étienne Klein.
Il faut croire que les différents sujets d’actualité (guerres, pandémies, crises énergétiques, etc.) ont largement participé à l’émancipation de personnes venues s’exprimer sur des sujets complexes et hors de leurs champs de compétences. L’ultracrépidarianisme, bien que peu usité à l’oral ou à l’écrit, est donc très fréquemment mis en pratique dans la vie quotidienne lorsque l’on prodigue des conseils peu ou prou avisés.
Qui n’a d’ailleurs jamais été confronté à un membre de la famille ou à un collègue qui outrepasse son domaine de compétence et s’improvise expert en la matière ?
Pas tant que ça. Le récit, relaté par l’écrivain latin Pline le Jeune, raconte qu’un cordonnier venu observer une fresque du peintre Apelle dans son atelier, lui aurait fait une remarque (im)pertinente sur la représentation d’une sandale, puis sur d’autres éléments de la fresque.
Devant tant d’affront, le peintre aurait lancé au maître chausseur la fameuse expression « sutor, ne supra crepidam ». Soit : « Ne te permets pas des remarques outrepassant ton champ de compétences ».
En français, cette expression pourrait s’apparenter à la locution verbale familière mettre son grain de sel, une expression familière dérivée du latin « cum grano salis ». Elle désigne toute « personne donnant son avis sans y avoir été convié ». On peut également la rapprocher du proverbe Chacun son métier et les vaches seront bien gardées, issu de la fable Le vacher et le garde-chasse (Jean-Pierre Claris de Florian).
Rocambolesque
Un « joli mot, car sa sonorité cascadante évoque les rebondissements d’une histoire animée et peu vraisemblable », comme le résume si bien le linguiste Alain Rey dans son ouvrage À mots découverts – Chroniques au fil de l’actualité.
Cet adjectif apparu au XIXᵉ siècle vient du nom Rocambole, le nom d’un héros présent dans un feuilleton de Pierre Alexis, vicomte de Ponson du Terrail (1829-1871). Désignant un événement « riche en rebondissements et en péripéties », parfois « invraisemblable », rocambolesque est un terme que l’on retrouve aussi bien à l’écrit qu’à l’oral.
- Il a vécu de nombreuses aventures rocambolesques durant son périple.
- Son récit rocambolesque a bouleversé le public.
- C’est un film rocambolesque où l’on va de surprise en surprise.
Les recherches nous apprennent que le mot rocambole désigne une « variété d’oignon » au goût d’échalote.
Là encore, Alain Rey nous livre de précieux indices sur l’éventuel lien entre le mot rocambole et l’adjectif rocambolesque : « l’échalote d’Espagne, nommée en français rocambeau, puis rocambole, était pourtant de qualité médiocre et de bas prix, d’où le sens de “chose sans valeur”, un peu comme les nèfles ». Au sens figuré, c’est donc une chose de « mauvaise qualité », les oignons étant réputés pour être des plantes bon marché.
Comme de nombreux autres termes d’origine allemande, rocambolesque pourrait d’ailleurs aussi s’apparenter au mot allemand « Rockenbolle », « Rocken » étant une forme ancienne de « Roggen », le « seigle », et « Bolle » signifiant « oignon ».
Dérivé du mot abracadabra, il a fortement été popularisé par le président Jacques Chirac lors d’un entretien télévisé prononcé le 21 septembre 2000.
- Cette histoire abracadabrantesque nous a laissés sans voix.
Vernaculaire
Cet adjectif issu du latin « vernaculus » (« indigène », « relatif aux esclaves nés à la maison ») était autrefois utilisé pour désigner ce qui « provient, est produit ou cultivé dans la ville », à l’inverse de ce qui « en est extérieur ».
On l’utilise donc pour caractériser quelque chose de « local », qui est « propre à un pays ou aux habitants ».
Quelques domaines où l’on rencontre le mot vernaculaire en français :
1. Langue vernaculaire
Bien souvent, on parle, en linguistique, de langue vernaculaire, c’est-à-dire d’une « langue propre à un pays ».
Dans son recueil L’art du mot juste – 275 propositions pour enrichir son vocabulaire, l’auteur Valérie Mandera signale que la « langue vernaculaire, parlée à l’intérieur d’une communauté, s’oppose à la langue véhiculaire qui permet le dialogue entre différents groupes. Ainsi, l’anglais, utilisé pour les échanges internationaux, est une langue véhiculaire alors que le français reste un usage local, il peut donc être considéré comme une langue vernaculaire ».
2. Nom vernaculaire
Il est possible de rencontrer le mot vernaculaire dans l’expression nom vernaculaire pour désigner le nom scientifique (souvent latinisé) de certaines espèces végétales ou animales : un « pélargonium », par exemple, est le nom vernaculaire du « géranium », une plante communément utilisée pour décorer nos jardins.
Par extension, on pourra également parler de plantes vernaculaires en botanique.
3. Art vernaculaire
L’art vernaculaire se caractérise par un art ou artisanat local, pratiqué par une petite communauté. Ce peut être, par exemple, l’art des Aborigènes d’Australie ou encore l’art amérindien.
4. Architecture vernaculaire
Une architecture vernaculaire désigne un « type d’architecture local, régional ou national » que l’on retrouve à une époque donnée et sur une certaine aire géographique.
5. Patrimoine vernaculaire
Comme l’architecture, le patrimoine vernaculaire définit les grandes caractéristiques d’une communauté locale : moulins, lavoirs, roues à aubes, etc.
Le patrimoine vernaculaire va donc à l’encontre d’une uniformisation de l’habitat de la collectivité : il privilégie des constructions locales traditionnelles, adaptées aux contraintes environnementales et fonctionnelles.
6. Photographie vernaculaire
Ce type de photographie désigne la photo de tous les jours, celle que l’on réalise sans objectif artistique : elle vise à retranscrire des moments de vie de manière spontanée.
La photographie vernaculaire, c’est donc, par exemple, les photos de famille, réalisées dans l’instant et sans réelle mise en scène.