Digression | Définition & exemples
Figure de style et figure de rhétorique, la digression consiste à s’écarter du sujet traité, pour mieux y revenir. Elle doit être volontaire et maîtrisée pour produire l’effet recherché : ajouter une information, susciter une émotion ou renforcer une opinion.
Explication :
Le passage surligné est une digression narrative qui vise à ralentir le rythme effréné de la narration pour entretenir le suspens.
Les propos, plutôt humoristiques, n’ont aucun rapport avec l’action et se rapprochent davantage d’une confidence sur une situation a priori handicapante.
Par cette digression narrative, l’auteur brosse sans en avoir l’air le portrait physique et moral du personnage : une femme de petite taille, prompte à l’autodérision.
La digression narrative doit être relativement courte, utile au récit et prendre fin par un retour à la situation initiale pour être un véritable outil stylistique.
Qu’elle soit narrative ou discursive, la digression repose sur une stratégie énonciative. Défendue par certains, conspuée par d’autres, elle possède aujourd’hui une connotation négative, synonyme de divagation ou de circonlocution.
Néanmoins, bien exploitée, elle demeure un artifice dont certains auteurs se sont rendus maîtres. Entre pause bien sentie et logorrhée proustienne, la digression n’a pas fini de faire parler d’elle…
Digression : définition
Artifice stylistique ou procédé rhétorique, la digression est véritablement une interruption du discours ou du récit dans un but précis : expliciter des concepts, susciter des émotions ou créer du suspens.
Digression discursive
En rhétorique, la digression discursive consiste à interrompre son discours pour mieux y revenir, voire s’y attarder. Cette pause, toujours volontaire, permet à l’orateur de nuancer ou de préciser ses propos.
Dans les deux cas, la digression discursive ne doit être ni trop longue ni trop obscure, au risque de perdre l’attention du public et, par le fait même, de sérieusement entamer la pertinence du discours.
La digression étire donc l’énoncé en accueillant un commentaire, une information pour expliciter le sujet. Elle prend alors la forme d’une parenthèse, qui, à l’instar des parenthèses (le signe typographique), permet d’insérer une explication au sein de l’énoncé.
Explication :
La digression revient sur un concept, celui du procès-verbal. Dans ce plaidoyer, l’orateur s’attarde sur la définition de l’acte pour lui réattribuer son caractère officiel et donc son importance, son poids face à d’autres « faits », qui n’en sont pas et qui n’en ont, surtout, pas le statut.
Objectifs, les propos se rapprochent de la parenthèse, une information additionnelle, mentionnée en parallèle du discours, et qui vient renforcer le sujet.
La digression se clôt par un retour à ce sujet initial, réutilisant, dans un effet de parallélisme, les mêmes mots pour fermer métaphoriquement cette parenthèse.
Cette interruption permet aussi de nuancer le ton des propos énoncés. Dans les discours, les digressions sont souvent ironiques, car elles sont toujours adressées à un auditoire, qu’il soit un large public ou une personne en particulier.
Explication :
Cette digression nuance entièrement le ton du discours, qui commence par des propos neutres, mais se teinte d’une ironie mordante en fin d’énoncé.
L’orateur ne se contente plus d’exposer objectivement des faits, il exprime dans cette digression son opinion sur le caractère imminent du problème et l’immobilisme collectif des instances dirigeantes.
Par ailleurs, en s’adressant directement à son interlocuteur, l’orateur déplace la faute collective sur un seul individu et le rend personnellement responsable de l’inaction dénoncée.
La répétition du mot objectif permet de mettre un terme à la digression, de véritablement boucler la boucle et revenir au ton neutre de la situation initiale.
Certains grands orateurs estimaient que la digression discursive n’était qu’une faiblesse rhétorique, un défaut d’éloquence, une façon de combler les lacunes d’un discours dénué d’arguments.
Toutefois, lorsqu’une digression est brève et pertinente, qu’elle explicite des propos ou en module le ton, elle s’avère, au contraire, un procédé rhétorique très efficace, qui reflète toute la maîtrise et l’esprit de l’orateur.
Dans un tout autre registre, le théâtre permet des digressions qui n’ont généralement aucun rapport avec le sujet. C’est dans cet écart que repose toute la dimension humoristique et ludique des monologues et des tirades. Ces discours, écrits dans un but narratif, se trouvent véritablement à la frontière entre la digression discursive et la digression narrative.
Digression narrative
Employée à l’écrit, la digression narrative confronte le lecteur à une ou plusieurs interruptions du récit. L’auteur coupe net le fil de l’histoire pour fournir de nouvelles informations sur la situation ou les personnages.
Au contraire de la digression discursive, la digression narrative tend à s’écarter nettement du sujet traité, au point de ne plus maintenir le moindre rapport de sens. Comme au théâtre, plus l’écart est important et plus l’effet, tragique ou humoristique, est réussi.
Quel que soit l’effet recherché, le but ultime de la digression narrative est de créer une attente et d’étirer la digression le plus longtemps possible pour retarder le retour au sujet initial. Toutefois, ce retour doit bel et bien avoir lieu pour une exploitation efficace de ce procédé.
Explication :
La digression narrative est un excellent procédé dramatique, que l’écart de tons entre les énoncés renforce davantage.
Le changement de sujet intervient au cours d’un monologue sinistre, où se côtoient la maladie et la mort. La digression, a priori sans rapport avec la situation, porte sur un détail futile du quotidien et un certain degré de conscience écologique.
Les ananas deviennent le symbole de l’évanescence des choses et des êtres, ainsi que des petits arrangements passés avec sa conscience pour se déculpabiliser, se déresponsabiliser face à de tragiques situations.
C’est tout le désarroi du personnage face à la maladie, la mort, la solitude, l’ingratitude des enfants, de sa fille en particulier et de son propre stratagème de déresponsabilisation, qui prend forme dans cette digression.
Au-delà de la simple interruption, la digression narrative suspend le récit pour susciter chez le lecteur des émotions, démultipliées par l’écart de tons ou d’atmosphères, et le contraste entre la pesanteur d’une scène et la futilité d’un propos.
À l’oral, la digression est synonyme de parenthèse, lorsqu’elle apporte une information complémentaire au sujet traité. Toutefois, seule une digression discursive courte et objective peut être qualifiée de parenthèse.
Au théâtre, l’aparté, les paroles prononcées à part par les comédiens, est généralement destiné au public uniquement et n’est pas entendu par les autres personnages présents.
À l’inverse, la digression discursive est toujours destinée à être entendue. Un aparté n’est donc pas synonyme de digression, car leur finalité sont bien différentes.
À l’écrit, la digression narrative est un passage du récit qui s’écarte du sujet. Si la digression est longue et volontairement mystérieuse, voire sinueuse, elle est synonyme de circonlocution.
S’exprimer en circonlocution fait référence, métaphoriquement, à une expression labyrinthique. L’emploi de périphrases, des groupes de mots qui pourraient être résumés par un seul mot, est caractéristique de cette manière de s’exprimer.
À la recherche du temps perdu, roman de Marcel Proust, est également synonyme de digression narrative. La longueur des développements et l’impression immuable de tourner autour d’un sujet sans jamais véritablement l’aborder font de cette œuvre un exemple du genre.
Qualifiée d’exagérations par les uns, de spirales romanesques par les autres, les digressions narratives de Proust occupent aujourd’hui encore une place à part dans la littérature française contemporaine.