Procédé stylistique, l’ellipse consiste à omettre un ou plusieurs mots dans une phrase. Les mots sont alors sous-entendus et l’énoncé reste compréhensible.
Ellipse def
- Phrase avec ellipse Il se tenait devant moi : dans sa main gauche, une bouteille de champagne ; dans sa droite, un écrin de velours.
- Phrase sans ellipse Il se tenait devant moi : il tenait dans sa main gauche une bouteille de champagne et un écrin de velours dans sa main droite.
Explication :
Dans cet exemple, l’auteur évite la répétition du sujet il et du verbe tenir ainsi que du mot main. Syntaxiquement correctes et sémantiquement identiques, ces deux phrases sont stylistiquement très différentes.
L’ellipse précipite les mots de l’énoncé pour accélérer le rythme de la narration et reproduire l’excitation du personnage.
Lecteur et personnage découvrent ensemble la situation (une probable demande en mariage) et l’interprètent à l’unisson.
Comme toute figure de style, ce procédé n’est efficace que s’il est volontaire : l’omission de mots crée un changement de rythme, qui surprend le lecteur.
Se jouant des règles de la syntaxe, l’ellipse stylistique, à l’écrit comme à l’oral, évite les répétitions, efface les évidences et laisse entendre ce qui ne se lit plus qu’entre les lignes…
Plan de l’article :
Ellipse : définition
Procédé discursif et narratif, l’ellipse supprime les mots superflus d’une phrase. Certaines ellipses se dispensent même d’éléments grammaticaux pourtant essentiels, comme un verbe ou un sujet.
Pour utiliser adéquatement ce procédé stylistique, il faut en maîtriser les codes, car si la rupture syntaxique est tolérée, la perte sémantique doit absolument être évitée. En d’autres mots, la phrase non verbale est tout à fait possible, mais jamais au détriment du sens.
Ellipse rhétorique
En rhétorique, bon nombre de grands discours manient l’art de la redondance ou de l’épiphore avec style. C’est en grande partie la répétition de I have a dream qui a rendu célèbre le discours du même nom.
Toutefois, certaines répétitions s’avèrent inutiles lorsqu’il s’agit de rappeler des évidences ou de coordonner des éléments. À ce titre, l’asyndète est l’amorce de l’ellipse rhétorique, car elle supprime les mots de liaison des énoncés.
Ellipse exemple discursif
- Un an a passé. Une année de lutte. De combats. De victoires syndicales. Ne l’abandonnons pas. Cette lutte symbolise nos acquis. Nos rêves. Nos idéaux. Poursuivons-la. Soutenons. Renforçons. Intensifions. Cette lutte est notre lutte.
Explication :
L’ellipse des locutions une année et de cette lutte symbolise, ainsi que du mot lutte lui-même, crée une série de courtes phrases verbales et non verbales, sans aucune coordination.
Leur longueur joue un rôle essentiel : elle permet à l’orateur de les marteler en insérant une pause, à l’oral, en lieu et place des points finaux.
Mêlant asyndètes et ellipses, ce discours rappelle, aux moments opportuns, le sujet du discours : la lutte.
Rappelé par les pronoms personnels « l’ » et la, le mot entier est plusieurs fois scandé à l’intention du public.
En supprimant entièrement des mots ou des locutions, l’ellipse s’autorise une grande liberté syntaxique, qui se limite toutefois à la nature instantanée du discours.
Des ellipses trop longues ou trop fréquentes peuvent perdre le public, car il lui est impossible de réentendre ce qui vient d’être dit.
L’interprétation d’un discours repose, en grande partie, sur la capacité du public à en suivre le fil. Les ellipses rhétoriques se doivent d’être courtes et évidentes pour que l’auditoire puisse rétablir immédiatement les liens entre les mots manquants.
Ellipse narrative
Figure de style, l’ellipse s’emploie également, à l’écrit, dans le genre narratif.
De nombreux auteurs ont recours à ce procédé stylistique, car il permet, grâce à l’économie de mots, de faire correspondre l’accélération du récit à celle de la lecture.
De plus, lorsqu’un auteur supprime volontairement les mots d’une phrase, il compte sur le lecteur pour les restituer. L’ellipse narrative exprime donc l’intention délibérée de l’auteur d’installer une connivence, une complicité avec son lecteur.
Ellipse : exemples narratifs
- Tout se bousculait. Les pensées dans sa tête, les mots dans sa bouche. Son cœur s’accélérait ; ses larmes, ses souvenirs. Lourdes de douleur et de sens. De résilience et de déni.
Explication :
Ce court extrait fait l’ellipse de se bousculer et s’accélérer, ainsi que des sujets et des verbes, éléments a priori essentiels, des deux dernières phrases.
Ces ellipses donnent lieu à un récit d’apparence décousu, mais dont l’énoncé reste intelligible, compréhensible.
À l’écrit, les accords en genre et en nombre permettent de rapprocher les adjectifs esseulés du nom qu’ils qualifient. L’accord de lourdes, féminin pluriel, renvoie donc aux larmes de la phrase précédente.
Ces ellipses font surtout écho au délitement du personnage, à sa détresse émotionnelle. Leur fréquence hache le récit et traduit visuellement le débit saccadé d’une respiration, rythmée par les pleurs.
En tant que figure de style, l’ellipse narrative se joue des règles grammaticales, mais s’en sert aussi pour rétablir des liens logiques moins évidents entre différents éléments.
Cette possibilité n’est pas propre à l’écrit, car les accords grammaticaux se font également à l’oral. Toutefois, l’ellipse narrative s’affranchit complètement des structures, courtes et répétitives, de l’ellipse rhétorique.
Les mots, fixés sur le papier, peuvent être relus et les accords vérifiés pour retracer les liens sémantiques et syntaxiques, même les plus ténus.
S’installe alors un dialogue muet entre l’auteur et le lecteur : ce dernier, même s’il comprend l’ellipse en un coup d’œil, est nécessairement surpris par la démarche. L’ellipse narrative fait toujours émerger une certaine complicité tacite entre celui qui l’écrit et celui qui la lit.
Ellipse : littérature
Il existe, en littérature, deux types d’ellipses : l’ellipse narrative et l’ellipse temporelle. Si la première est le procédé exemplifié ci-dessus, la deuxième fait référence à une interruption temporelle à l’intérieur même du récit.
Exemple d’ellipse temporelle :
- Elle ouvrit le coffre et ramassa les liasses de billets. Un rapide coup d’œil à sa montre lui indiqua qu’elle n’avait plus que vingt secondes pour filer. Elle pouvait le faire. Elle devait le faire. L’idée de passer le reste de sa vie derrière des barreaux ne l’enchantait guère, mais la perspective d’une vie entière de mendicité n’était pas plus alléchante. Au coin de la rue, elle se demanda soudain si elle allait pouvoir se payer un café avec un billet de 500 euros.
Explication :
La dernière phrase de ce paragraphe constitue une ellipse temporelle. Il s’agit, dans le récit, d’une coupure nette de la ligne du temps. Elle permet d’effectuer de véritables bonds en avant, et de faire avancer chronologiquement l’action dans le temps.
Au même titre que l’ellipse stylistique, l’ellipse temporelle accélère le récit, en occultant une plus ou moins grande période. Il s’agit d’un procédé narratif, d’un stratagème lié à la trame narrative, au scénario de l’histoire.
L’ellipse narrative est un procédé stylistique qui intervient au niveau des mots, de leur choix à leur agencement. Elle participe au style de l’auteur, à sa façon d’écrire, à sa capacité de créer un effet particulier pour le lecteur.
L’ellipse temporelle et l’ellipse narrative sont les deux faces d’une même médaille : la première agit sur la forme, la structure de l’histoire, tandis que la deuxième agit sur le fond et en améliore l’esthétisme.