Plan de l’article :
Français-allemand : des frontières linguistiques perméables
Si l’Allemagne est le premier partenaire commercial de la France, on en oublie que la langue de Goethe a aussi sensiblement influencé notre vocable français au point d’emprunter quelques mots du quotidien à nos amis d’Outre-Rhin.
Petit tour d’horizon des plus courants, à l’origine de leurs racines linguistiques et de leur(s) histoire(s).
1. Bretzel
Le mot bretzel désigne une « spécialité allemande ou alsacienne, à base de brioche » et saupoudrée de gros sel.
Mangée en guise de pâtisserie ou pour l’apéritif, elle constitue une véritable tradition dans l’Est de la France.
Son nom est issu du vieux haut allemand « brêzel », « prêzel » ou encore « prizitella ». Le mot est également parent avec le terme latin « brachitella » (dérivé de « brachium », signifiant « bras ») : une traduction très imagée, puisque les deux bouts de pâte du bretzel sont entrelacés l’un avec l’autre en forme de nœud pour former deux bras !
Aux États-Unis, ce biscuit est généralement nommé « pretzel », transcription phonétique de la lettre « b » en « p ».
« Un » ou « une » bretzel ?
L’usage hésite ! Si le masculin est majoritairement employé, on retrouve la forme féminine en Alsace, en Lorraine, en Belgique et en Suisse.
Le bretzel aurait été créé dans le Land du Bade-Wurtemberg par un boulanger condamné à mort pour vol. Ayant mal cuit son pain par inadvertance, il aurait essuyé les remontrances du roi. La femme du boulanger implora le pardon de ce dernier qui accorda une seconde chance au boulanger et lui demanda de cuire sous trois jours une pâtisserie où se refléterait trois fois le soleil.
La femme éplorée du boulanger, en signe de détresse au vu de la mission périlleuse, aurait croisé les bras sur sa poitrine, donnant cette idée de bras entrelacés au boulanger. Trois trous laissant passer la lumière du soleil auraient aussi permis de combler les souhaits du roi.
Le bretzel était né !
Remarque :
Une autre légende raconte qu’un moine italien se serait inspiré de la posture de ses condisciples pour créer cette pâtisserie. Une autre encore soumet l’idée que la forme entrecroisée du bretzel symboliserait les bras croisés des croyants lors de la prière.
Il existe bien sûr d’autres légendes, certaines attribuant la création de cette pâtisserie au simple fruit du hasard.
Le mystère demeure, certes, mais le bretzel n’en finit pas d’orner nos tables, pour notre plus grand plaisir.
2. Aspirine
Le terme aspirine est issu de l’allemand « Aspirin ».
On retrouve dans la composition de son nom de nombreux indices sur la compréhension de ce terme, à savoir le préfixe « a- » pour Acétyl, le radical « spiraea », signifiant « provenant de la spirée », composante du nom allemand « Spirsäure ». Enfin, l’ajout du suffixe « -ine », habituellement utilisé par les chimistes dans la désignation de molécules alcaloïdes à base d’azote et d’origine principalement végétale (morphine, nicotine, caféine, par exemple).
L’aspirine est élaborée à partir de l’acide acétylsalicylique, mise au point par le chimiste allemand Felix Hoffmann.
Remarque :
La spirée, ou reine-des-prés, est une fleur poussant sous forme d’arbuste. L’acide spirique qu’elle contient constitue l’un des principes actifs majeurs de l’aspirine.
Aujourd’hui, « Aspirin » est un nom de marque lexicalisé déposé par la société allemande Bayer le 6 mars 1899, et utilisé comme antonomase.
Tu peux me donner un cachet d’aspirine, s’il te plait ?
L’aspirine possède des propriétés antalgiques, anti-inflammatoires et antipyrétiques.
3. Kitsch
Le mot kitsch (que l’on retrouve également orthographié kitch) a vu le jour en 1870 lors d’une exposition d’art organisée à Munich, en Bavière. Des œuvres bon marché y furent présentées, bien loin des chefs-d’œuvre habituels, d’où l’appellation kitsch.
kitsch
kitch
Remarque :
Kitsch, quel que soit sa graphie, est invariable.
- Ces tableaux sont vraiment kitsch, je ne les aime pas du tout.
- Ta veste est kitsch !
Le terme kitsch vient du verbe allemand « kitschen » utilisé dans les dialectes du sud de l’Allemagne pour désigner le « ramassage de déchets dans la rue ». Le dictionnaire Larousse définit le mot comme un objet, un décor, une œuvre d’art « dont le mauvais goût, voire la franche vulgarité, voulus ou non, réjouissent les uns, dégoûtent les autres ».
Bref, quelque chose qui est bon à jeter à la poubelle, et donc, dans la rue.
Mon beau-père collectionne les chopes de bières allemandes en grès : c’est très kitsch, mais il adore ça !
Les petits souvenirs en céramique vendus pour les touristes sont, certes, kitsch, mais particulièrement appréciés.
Le style très kitsch de ces chaises insuffle un certain dynamisme à la pièce.
Si le kitsch se retrouve dans quelques mouvements artistiques tels que le romantisme ou le baroque, c’est indéniablement la société de consommation et la production en masse qui contribuent à son essor avec l’élaboration de produits en série, mettant fin à l’unicité d’une œuvre d’art.
L’appréciation de ce qui est kitsch est totalement subjective et dépend fortement du goût de chacun : ainsi, des nains de jardin ou une boule à neige peuvent être considérés comme kitsch pour quelqu’un ou, au contraire, être tout à fait esthétiques pour une autre personne.
Le saviez-vous ?
Le mot kitsch est entré dans la langue française en 1960.
4. Nouille
Les pâtes alimentaires sont en grande majorité italiennes : macaroni, tagliatelle, farfalle, ravioli, etc.
Exception faite des nouilles qui, elles, viennent tout droit d’Allemagne. Du moins, le mot lui-même, puisqu’en allemand, on les appelle « Nudel », terme que l’on retrouve dès 1550.
On relève d’ailleurs une ancienne orthographe française, « noudle », très proche de la graphie allemande, présente dans l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers en 1765. En anglais, les nouilles sont quant à elles nommées « noodles » et restent donc, elles aussi, très proches de la racine germanique.
Étymologiquement parlant, il est difficile d’interpréter l’origine même du terme allemand, même s’il semblerait qu’il puisse être apparenté au terme latin « nodus » (« nœud », « fil »).
Enfin, en consultant le dictionnaire de l’Académie française, on apprend que le style nouille, très en vogue dans les années 1900, désigne un mouvement artistique se caractérisant par ses « ornementations aux formes souples et contournées ». Peut-être un peu kitsch, qui sait ?
Espèce de « nouille » !
Si l’on vous a déjà traité de « nouille », pas de quoi être fier. Inutile de chercher un lien avec la pasta non plus. En effet, cette insulte est généralement lancée sur un ton moqueur afin de désigner une « personne un peu bête et dénuée d’énergie ».
Pas de quoi en faire tout un plat donc, mais c’est quand même (un peu) vexant.
- Quelle nouille, ce type !
- Il est incapable de conduire correctement, quelle nouille !
5. Vasistas
Le vasistas désigne une « ouverture ou fenêtre basculante », principalement installée au niveau du toit afin de créer une aération et un puits de lumière.
Vasistas tient son nom de l’expression allemande « was ist das », littéralement « qu’est-ce que c’est ? », question qui était posée aux visiteurs à l’entrée des auberges, fermées par une petite ouverture mobile grillagée.
Ce type de judas, installé en guise de sécurité, permettait de vérifier facilement l’identité des visiteurs sans avoir à ouvrir la porte à d’éventuels malfrats venus piller les maisonnées.
Nous avons installé un vasistas à l’étage afin d’apporter un peu de lumière et d’air frais à cet espace clos.
Le vasistas a été démonté afin d’être nettoyé.
De nos jours, le vasistas est souvent nommé, par antonomase, un « Velux », dont les syllabes « Ve » (« ventilation ») et « Lux » (« lumière ») rappellent de manière évidente l’utilisation première de ces petites fenêtres ingénieuses.
6. Handball
Contrairement au football ou au volley-ball, le mot handball n’est pas anglais, mais bien allemand cette fois encore !
Constitué des mots « Hand » signifiant « la main » et « Ball », « la balle », ce sport collectif se joue exclusivement à la main, comme son nom l’indique.
Du fait de son origine allemande, sa prononciation diffère de celle de football.
7. Trinquer
Issu du verbe allemand « trinken » signifiant « boire », trinquer signifie « entrechoquer son verre avec celui d’autres invités pour célébrer quelque chose » et donc « porter un toast » lorsque cette action est suivie d’un discours.
Les visiteurs sont venus trinquer afin de célébrer le vernissage de l’exposition.
Quand est-ce qu’on trinque à mon anniversaire ?
Laura et Stéphanie sont invitées à trinquer pour les noces de coton de leurs voisins.
Le saviez-vous ?
Trinquer peut aussi être utilisé au sens figuré pour indiquer le fait de « subir les conséquences néfastes de quelque chose ».
- Le pauvre, il a littéralement trinqué pour les autres.
Notre mot bonus : loustic
Loustic est issu du mot allemand « lustig » signifiant « gai, enjoué, joyeux ».
Par le passé, ce terme désignait, dans l’armée suisse, le « bouffon du régiment destiné à divertir les troupes ». Par ses farces et sa dérision, il participait à maintenir le moral des troupes avant le combat et à éviter le traditionnel mal du pays des soldats.
Un vrai bout-en-train donc !
Remarque :
En Suisse, la lettre finale « g » de « lustig » est prononcée comme une lettre « c », à l’inverse du nord de l’Allemagne où « lustig » serait littéralement prononcé « loustiche ». C’est la raison de sa retranscription phonétique loustic en français.
Aujourd’hui, le terme est utilisé en français pour caractériser une « personne (des enfants, souvent) prompte aux plaisanteries et aimant faire rire les autres ».
Quel loustic, celui-là !
Sacré loustic !
Il adore faire le pitre : c’est un vrai loustic.
Un doute sur l’orthographe de certains mots ?
L’orthographe peut s’avérer un véritable cauchemar pour chacun d’entre nous, quelle que soit la langue que l’on parle. Afin d’assurer vos arrières, pensez à faire vérifier vos écrits par le correcteur gratuit LanguageTool ! Multilingue, il est également disponible en anglais, en espagnol et… en allemand.