Figure de style d’atténuation, l’euphémisme permet d’adoucir la révélation de faits désagréables ou déplaisants.
Euphémisme def
- Notre petit ange a rejoint les étoiles. (= la mort d’un enfant)
- Les dommages collatéraux sont importants. (= la mort de victimes civiles)
- La frappe chirurgicale a atteint son objectif. (= un bombardement réussi)
- Son placement en soins palliatifs est désormais envisagé. (= la fin d’un combat contre la maladie)
Reposant bien souvent sur le sens figuré des mots et des expressions, l’euphémisme se retrouve dans de nombreuses locutions figées, très usuelles et destinées à éviter d’aborder de front des thèmes sensibles comme la mort, la guerre ou la maladie.
Très largement employé, ce procédé stylistique témoigne d’une volonté de ménager son interlocuteur, d’éviter de le blesser ou de le choquer.
Mais cet outil stylistique est également une redoutable tactique discursive, l’atténuation des propos tamisant quelque peu la réalité. Entre témoignage de bienveillance et procédé rhétorique, l’euphémisme porte à lui seul tout le poids des mots…
Plan de l’article :
Qu’est-ce qu’un euphémisme ?
Un euphémisme est un moyen d’exprimer des propos jugés déplaisants ou pénibles à entendre. Lorsqu’un locuteur estime que ce qu’il a à dire peut causer du tort à son interlocuteur, il atténue ses propos en utilisant un euphémisme.
Il revient évidemment au locuteur, et à lui seul, de juger de l’aspect difficile ou triste des propos qu’il s’apprête à exprimer. Si le locuteur est toujours l’instigateur de l’euphémisme, c’est avant tout au bénéfice de l’interlocuteur.
Euphémisme : exemples
- Il t’a manqué un soupçon d’expérience pour faire le bon choix. = Tu as été naïf et tu as fait le mauvais choix.
- Le pronostic vital du patient est fortement engagé. = Le patient est à l’article de la mort.
- Elle a été emportée par une avalanche et repose en paix dans les montagnes. = Elle est morte et son corps n’a jamais été retrouvé.
- Cet employé a été remercié en raison d’une incompatibilité de caractères. = Cet employé a perdu son emploi à cause de son attitude désagréable.
- Tu fais de ton mieux, donne-toi le temps de progresser. = Tu as des difficultés qu’il te faudra surmonter à force de temps et de travail.
Explication :
Témoignages de bienveillance, l’euphémisme résulte de propos délibérément atténués pour épargner leur destinataire, et par le fait même, faciliter l’acceptation d’une réalité tragique ou difficile à entendre.
Véritables formules préconçues, certains euphémismes sont devenus des locutions figées. Certaines, proches du cliché, perdent quelque peu leur pouvoir d’atténuation. Le thème de la mort, déjà particulièrement favorable à la métaphore, se prête également à l’usage de ces locutions.
Exemples d’euphémismes
- Il a disparu en laissant un immense vide dans nos cœurs.
- Il est parti en paix.
- Il nous a quittés pour un monde meilleur.
- Il s’en est allé retrouver son épouse adorée.
- Il a entrepris son dernier voyage. (euphémisme métaphorique)
- Il s’est éteint ici-bas, mais il brille désormais parmi les étoiles. (euphémisme métaphorique)
- Il est allé vers d’autres soleils, a rejoint d’autres cieux. (euphémisme métaphorique)
Dans ce contexte, certains euphémismes, dont la connotation ou le registre de langue ne correspond pas à la situation de communication, ne peuvent pas se substituer à d’autres.
Les euphémismes Manger des pissenlits par la racine, Passer l’arme à gauche ou Casser sa pipe pour désigner la mort d’une personne, appartiennent au registre familier et ne sont pas synonymes de ceux proposés ci-dessus.
Euphémisme : synonyme
Le seul synonyme qui évoque la même neutralité que l’euphémisme est l’atténuation. D’ailleurs, ce mot est lui-même synonyme de l’effet créé par la figure de style : l’euphémisation.
✓ L’euphémisation est un processus d’atténuation de la réalité.
Si l’on trouve parfois l’expression langue de bois pour parler d’un euphémisme, elle n’en traduit que l’aspect négatif et ne peut donc pas remplacer le mot dans tous les contextes.
✓ Ce politicien ne manie pas l’euphémisme, mais la langue de bois : il n’atténue pas la réalité, il la cache, purement et simplement.
L’euphémisation des propos repose sur le sens figuré de certaines expressions et la connotation associée aux propos que l’on tente d’atténuer. Le thème de la mort, souvent euphémisé, ne l’est pas toujours lorsque la perception négative, le poids dramatique repose sur d’autres notions.
Exemple euphémisme mort
- Il est mort des suites de ses blessures.
Explication :
Cette phrase, très utilisée dans la presse écrite, ne dissimule pas le mot mort, mais cache malgré tout un euphémisme.
En effet, des suites de ses blessures est la formule consacrée pour témoigner, sans véritablement le dire, de la violence du décès, notamment lors des accidents de la route.
L’utilisation du mot mort montre que ce n’est plus cette dernière que l’on tente d’atténuer, mais bien la gravité et l’étendue des blessures.
Si les journalistes tentent de ménager la sensibilité des lecteurs, c’est que l’idée de mourir dans d’atroces souffrances est pire encore que la mort elle-même ; une perception, par ailleurs, communément partagée.
Euphémisme : figure de style
Si l’utilisation de l’euphémisme est souvent bien intentionnée, ce n’est pas toujours le cas du procédé d’euphémisation qui en résulte.
Utilisée à bon escient, cette figure de style permet d’exprimer des propos pleins de tact et de diplomatie, respectant les règles de la bienséance et du politiquement correct.
Exemple euphémisme
- La collecte des matières résiduelles aura bien lieu, malgré les mouvements sociaux.
Explication :
Connoté négativement, le mot ordure est véritablement blanchi par la locution matières résiduelles, qui ne possède pas toute la dimension perceptuelle (olfactive, visuelle et même figurée) de son synonyme, appartenant pourtant au même registre de langue. C’est véritablement la connotation du mot ordure, et non sa dénotation, son sens propre, que l’on cherche à atténuer.
Le mot grève, lui, présente une connotation à la fois négative et positive, selon l’expérience de chacun. Si un salarié en a probablement une meilleure lecture qu’un dirigeant d’entreprise, la locution grève dans les transports en commun prend tout de suite un sens nettement plus négatif aux yeux du plus grand nombre.
L’euphémisation du mot grève annihile toute connotation et neutralise littéralement sa lecture en refusant de prendre parti pour l’une ou l’autre de ses interprétations.
Euphémisme : procédé rhétorique
L’euphémisation peut toutefois devenir un outil de persuasion, dont l’intention n’est pas si louable. Certains discours politiques regorgent d’euphémismes dans l’espoir d’influencer l’opinion publique, notamment au cours des campagnes électorales ou, en temps de guerre, par le biais de la propagande.
Lorsqu’il s’agit d’adoucir une pénible réalité dans un climat socioéconomique déjà tendu, l’euphémisme, qui n’est pas un mensonge, s’avère un procédé rhétorique d’une efficacité redoutable.
Euphémisme : exemple
- Le confinement est un acte de solidarité collective et nous ne sortirons pas de cette crise sanitaire sans votre aide.
Explication :
Éprouvant pour tous, le confinement a permis de réduire nettement les concentrations de population et, par le fait même, la transmission du virus. Associée à la notion d’entraide, l’euphémisation du confinement en principe de solidarité collective transforme la pénible réalité de cette mesure sanitaire en acte responsable et citoyen, sollicitant les valeurs civiques de la population.
Habilement manié et subtilement amené, l’euphémisme est une véritable arme rhétorique. Elle est toutefois à double tranchant : une atténuation maladroite peut susciter l’indignation des lecteurs, conscients d’être dupés par l’euphémisation édulcorée d’une réalité nettement plus noire.
Euphémisme : exemple
- Cet ordre de mobilisation générale est l’occasion rêvée pour nos jeunes de prouver leur force physique et mentale et leur patriotisme.
Explication :
La mobilisation de jeunes soldats, transformée en occasion rêvée, est un procédé d’euphémisation douteux, voire fallacieux, car une occasion est rarement imposée. Synonyme de chance ou d’opportunité, le mot occasion, renforcé par l’adjectif rêvée, élude l’aspect obligatoire de la conscription et surtout le risque qui y est associé.
Différence entre litote et euphémisme
Comme pour la métaphore, il n’est pas rare de rencontrer d’autres figures de style utilisant le procédé d’euphémisation. C’est le cas de la litote qui permet d’exprimer une idée, tout en niant son contraire.
Caractéristique principale de cette figure de style, la double tournure négative doit impérativement figurer dans la litote :
- Il n’est pas laid.
La négation est exprimée grammaticalement par l’adverbe de négation ne…pas et sémantiquement par l’adjectif laid, qui désigne la négation de la beauté.
Toutefois, cette litote ne sert pas à atténuer un propos. Au contraire, elle insiste, de façon humoristique, sur le fait que le sujet est plutôt agréable à regarder.
- Ton scénario n’est pas des plus simples.
En revanche, lorsqu’elle est employée pour atténuer la réalité (un échec créatif), la litote utilise, en plus de ses caractéristiques propres, le procédé d’euphémisation. Une litote n’est donc pas toujours un euphémisme, et inversement.
Par ailleurs, l’association de l’adjectif doux et du mot euphémisme (c’est un doux euphémisme), peut être perçue comme un pléonasme, car l’euphémisme consiste effectivement à adoucir la réalité. Toutefois, il n’est pas exclu que la formule soit teintée d’ironie pour faire ressortir toute l’absurdité de l’euphémisme en question.