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Épanorthose | Définition et exemples

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épanorthose
Qu’est-ce que l’épanorthose ?

Corriger, reprendre ou nuancer une affirmation en la reformulant aussitôt qu’elle a été prononcée — souvent pour l’amplifier ou bien en diminuer la portée —, le tout sans avoir l’air de se dédire, c’est tout un art. 

Dans la pratique de cet art ô combien rhétorique, une figure de style est passée maître : l’épanorthose !

Qu’est-ce qu’une épanorthose ? (figure de style)

Bonne nouvelle : l’épanorthose ne fait pas partie des figures de style les plus complexes à appréhender. Cependant, son utilisation réclame tout de même d’en maîtriser les ressorts.

Épanorthose : définition

L’épanorthose est une figure de style consistant à venir rectifier un propos que l’on vient de tenir.

La plupart du temps, on l’emploie pour venir renforcer le propos initial en lui apportant une dimension plus forte, en lui donnant davantage d’intensité.

Épanorthose def

Les décès rapprochés de la princesse Margaret et de la reine mère en 2002 ont quelque peu remué la reine Elizabeth… pour ne pas dire qu’ils l’ont anéantie.

Explication :

Ici, l’épanorthose vient amplifier le propos.

A contrario, l’épanorthose peut servir à préciser ou atténuer un propos.

Exemple épanorthose

Charles était inquiet, disons préoccupé par la tournure que prenaient les évènements. Ce mariage avait été planifié beaucoup trop vite.

Explication :

Ici, l’épanorthose vient préciser le propos, en particulier sur le sentiment éprouvé par Charles.

L’épanorthose (du grec epanorthosis) traduit souvent une réflexion faite en temps réel, un propos spontané ou la volonté d’insister sur un élément de son propos en particulier. 

C’est aussi un vecteur efficace d’authenticité en littérature.

Aussi, bien qu’elle puisse dans certains cas présenter des caractéristiques similaires aux figures d’insistance, on la range plutôt dans la catégorie des figures d’autocorrection, en raison de sa proximité avec la palinodie.

Qu’est-ce que la palinodie ?

Une palinodie est une contradiction, un changement d’opinion ou toute autre forme de désaveu de ce qui a été dit, expliqué et argumenté précédemment. Elle peut être explicite, mais aussi implicite, comme lorsqu’un personnage affirme une chose et dit ou fait exactement le contraire dans les instants qui suivent.

Explication :

Lorsque, dans le film Le père Noël est une ordure, Thierry Lhermitte dit : « Je n’aime pas dire du mal des gens, mais effectivement, elle est gentille. », il s’agit d’une palinodie.

En effet, hormis le fait qu’il utilise une antiphrase, le personnage de Pierre se permet d’émettre un jugement négatif — et même méchant —, alors qu’il affirmait quelques secondes plus tôt être hostile à la critique gratuite.

On l’utilise volontiers en littérature, au théâtre ou en poésie.

Et pour comprendre précisément la façon dont se forme et se présente une épanorthose, quoi de mieux que se pencher sur l’un de ses exemples les plus développés ?

Un exemple connu d’épanorthose : Juste la fin du monde

Juste la fin du monde (1990) est une pièce de théâtre écrite par le dramaturge français Jean-Luc Lagarce. La critique considère qu’il s’agit de l’œuvre la plus marquante de son auteur et qu’elle a largement contribué à le faire entrer dans la postérité après sa mort en 1995.

La pièce aborde l’histoire d’un écrivain gravement malade, Louis, qui retourne voir sa famille après des années de silence et d’éloignement afin de leur annoncer sa mort prochaine. Chacune de ses tentatives de s’exprimer et de faire part de ses sentiments profonds à ses proches se solde par de douloureux échecs, sa famille étant trop occupée à s’entredéchirer pour écouter ce qu’il a à dire…

Pour rendre compte de cet effet, Lagarce, esthète de la langue, fait montre d’une écriture prolixe, marquée par les saccades, les silences et les hésitations, caractéristique d’un style à l’oralité assumée, et même revendiquée

Pour ce faire, il utilise de nombreuses figures de style, dont il use les ressorts jusqu’à la trame… à commencer par l’épanorthose.

Exemple épanorthose juste la fin du monde

Lorsque tu es parti, lorsque tu nous as quittés, lorsque tu nous abandonnas, je ne sais plus quel mot définitif tu nous jetas à la tête, (...).
(Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde)

Explication :

Ici, l’épanorthose qui fend la tirade du personnage d’Antoine vise à insister sur le reproche fait au départ du personnage de Louis.
C’est donc une figure d’insistance plutôt qu’une figure d’autocorrection.

L’intégralité du texte est marquée par l’utilisation de l’épanorthose, jusque dans le prologue.

Épanorthose juste la fin du monde prologue

(…) pour annoncer, lentement, avec soin, avec soin et précision
— ce que je crois —
lentement, calmement, d’une manière posée
— et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux, tout précisément, n’ai-je pas toujours été un homme posé ?,
pour annoncer,
dire,
seulement dire,
ma mort prochaine et irrémédiable (…)
(Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde)

Analyse :

Dans ce passage, de nombreuses épanorthoses permettent au personnage qui s’adresse au public (Louis) de reformuler ses intentions à plusieurs reprises, afin de faire passer au lecteur/spectateur l’incertitude et l’émotion qui l’habite, et d’annoncer d’une certaine façon la tournure que va prendre son retour au nid…

L’emploi de toutes ces épanorthoses est une façon pour Lagarce de faire passer la maladresse orale et émotionnelle présente chez chacun des personnages, en particulier Louis, son personnage principal. 

Insister sur des détails est, en effet, pour lui, une manière de repousser le moment de révéler au monde qu’il est condamné, à tel point que son intention de départ se laisse engloutir et se perd dans ses circonvolutions.

Résultat : personne n’avance réellement.

Le saviez-vous ?

Juste la fin du monde a été adaptée au cinéma en 2016 par le réalisateur québécois Xavier Dolan.

L’année suivante, le long-métrage a obtenu pas moins de trois Césars (celui de la meilleure réalisation, celui du meilleur acteur pour l’interprétation de Gaspard Ulliel et celui du meilleur montage).

L’épanorthose : exemples

Dans la littérature comme dans la vie de tous les jours, les occasions de composer des épanorthoses sont légion. 

Épanorthose : exemples courants

À l’oral, surtout lorsqu’il est question d’échanges familiers, nous employons souvent l’épanorthose sans le savoir.

Épanorthose figure de style exemples

  • J’arrive chez toi dans cinq minutes… bon, disons dix, vu le bouchon qui s’étale devant moi.
  • Ce jouet est cassé. Enfin, pas vraiment, disons qu’il est obsolète…
  • — Je viendrai peut-être… Mais non, évidemment que je viendrai, enfin !
    — Tu me fais marcher ?
    — Évidemment, et toi tu marches… non, tu ne marches pas en fait, tu cours.
  • Je pense qu’il est temps… non, en vérité, il est plus que grand-temps de t’annoncer la nouvelle.

Exemples littéraires d’épanorthose

Vu l’efficacité narrative et l’impact que peut produire l’épanorthose, il n’est pas étonnant que Jean-Luc Lagarce n’ait pas été le seul à l’utiliser dans ses œuvres. 

Ainsi, la littérature en est truffée.

Épanorthoses dans la littérature

  • Depuis un moment ; mais pour toute ma vie, J’aime, que dis-je aimer, j’idolâtre Junie.
    (Racine, Britannicus)
  • Mes frères, si Socrate revenait parmi nous, et qu’il vit l’état florissant où les sciences sont en Europe ; que dis-je, en Europe ? en Allemagne ; que dis-je, en Allemagne ? en Saxe ; que dis-je, en Saxe ? à Leipzig ; que dis-je, à Leipzig ? dans cette université ; (...).
    (Jean-Jacques Rousseau, Narcisse ou l’amant de lui-même)
  • En route pour ma crèche. Que dis-je, mon gourbi. Que dis-je encore ? La grande piaule que je ne quitte plus, où je dors sous un lit à baldaquin.
    (Jules Roy, Lettre à Dieu)

Aussi, c’est peut-être chez Edmond Rostand que l’on trouve l’épanorthose la plus célèbre de la littérature française, à tout le moins du théâtre français.

Épanorthose Cyrano

C’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule !
(Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac)

Ah, et au fait… la dernière partie de la phrase qui précède l’encadré ci-dessus contient justement une épanorthose. L’aviez-vous identifiée ? 


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